Thursday, December 08, 2005

Genocide du Rwanda : Opinion de Hubert Vedrine (ancien ministre) sur l'engrenage fatal

Genocide du Rwanda : Sans la volonté du FPR de prendre le pouvoir à n’importe quel prix, l’engrenage fatal n’aurait pas eu lieu.

Le Journal du Mardi. Hebdomadaire. No 245. 6 décembre 2005.
pp. 12-14


Rwanda
Image non réduite Hubert VÉDRINE :
« Les médias sont pour le repentir… des autres »
pp. 15-16 Pierre Péan répond à Colette Braeckman


« J’attends toujours qu’on réfute les faits que j’apporte ! »

· DOSSIER RWANDA (SUITE) HUBERT VÉDRINE, ANCIEN MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES français, RÉAGIT.
· « LES MÉDIAS SONT POUR LE REPENTIR… DES AUTRES »


Hubert Védrine :

Une chose qui n’est assez rappelée, c’est que François Mitterrand, par expérience historique, a toujours réagi très vigoureusement à toute remise en cause des frontières, à toute tentative d’annexion ou d’ingérence d’un pays chez un autre. Cela a été vrai dans l’affaire du Tchad, dans l’affaire des Malouines, mais aussi lors de l’invasion du Koweït. En 1990, quand ont lieu les premières offensives du FPR appuyées par l’armée de l’Ouganda, contre le Rwanda, la réaction de Mitterrand est immédiatement double il pense d’une part, qu’il faut stopper cette menace déstabilisante, aider les Rwandais à contenir cette offensive militaire, parce qu’il n’y a pas de raison de laisser une petite minorité, partie de l’extérieur armée par un Etat voisin, prendre le pouvoir par la force, avec tout ce que cela entraînerait compte tenu du passé du Rwanda. Et deuxième volet de sa politique, inséparable du premier faire pression au Rwanda sur les Hutus majoritaires et sur les Tutsis de l’intérieur, pour qu’ils coopèrent et partagent le pouvoir. Pression sur les Hutus majoritaires, donc d’emblée il y a un volet assistance militaire, et un volet politique. Ce qui a permis d’aboutir aux accords d’Arusha.

JDM : Jusque quand exactement s’est poursuivie cette politique de relatif soutien au régime de Habyarimana ?

Hubert Védrine :

« Soutien » à un régime, non c’était plutôt un engagement envers un pays, pour préserver son intégrité territoriale, l’aider à surmonter ses antagonismes internes, prévenir le retour des massacres, ce qui impliquait des pressions sur le régime. Avec le processus d’Arusha que nous avons imposé, le régime avait perdu une grande partie de son pouvoir. Rappelons qu’en application d’Arusha il y avait des cantonnements du FPR en plein Kigali !

JDM: D’accord, mais ce qui prête à controverse quant au rôle de la France, c’est que jusqu’au dernier moment elle aurait continué à livrer des armes et entraîner les soldats d’un pays qui se préparait au génocide…

Hubert Védrine :

C’est le prototype du sujet présenté depuis des années de façon biaisée. La France n’a jamais caché qu’elle fournissait une assistance à l’armée du Rwanda pour qu’elle réussisse à résister aux attaques répétées du FPR et de l’armée ougandaise.

JDM: Comme la Belgique…

Hubert Védrine :

Effectivement, et selon moi ce n’est pas plus critiquable de la part de la Belgique que de la France. C’était logique. Car s’il n’y avait pas préservation de l’intégrité territoriale du pays, il était impossible d’imposer un partage du pouvoir entre Hutus et Tutsis.

JDM : C’était en quelque sorte un moyen de pression ?

Hubert Védrine :

C’était un préalable. Sans préservation de l’intégrité territoriale, pas d’accord politique. Donc, la France ne s’est pas cachée de cette coopération qui a permis d’imposer les accords d’Arusha. Après quoi, la France n’a plus eu besoin de maintenir ses contingents. Et c’est pour cela qu’il restait si peu de forces, françaises comme belges d’ailleurs, au moment de l’attentat.
L’accusation qui est formulée est donc biaisée. Elle mélange les périodes. Et à dessein, elle ne tient jamais compte du volet politique. Globalement les accusations contre la France sont aussi monstrueuses que stupides parce que quelles auraient bien pu être les raisons pour la France d’agir ainsi ?

JDM: Il n’y avait pas de mobile…

Hubert Védrine :

Aucun mobile. Si la France avait eu les motivations que lui prêtent ses pires accusateurs, elle ne se serait pas embêtée à imposer les accords d’Arusha, elle n’aurait pas pris le risque de réduire drastiquement les pouvoirs du gouvernement hutu d’Habyarimana et d’imposer aux Hutus de partager le pouvoir. C’eut été complètement incohérent.

JDM: Comment se fait-il que la France, dont les services secrets sont réputés n’ait pas vu venir la préparation du génocide ….

Hubert Védrine :….

JDM : Ce qui nous amène à la question de départ comment se fait-il que la France et les autres pays, conscients de cela, ont finalement choisi de se désengager ?

Hubert Védrine:

Parce qu’il y a eu les accords d’Arusha.

JDM: Certes, mais personne n’ignorait qu’il y avait beaucoup de chances qu’ils ne soient pas respectés par les parties en présence.

Hubert Védrine :

Mais il y avait aussi une chance qu’ils le soient. Et d’ailleurs, si le président Habyarimana n’avait pas été abattu, ils l’auraient peut-être été. Si cet attentat a été perpétré, c’est certainement pour empêcher que le processus d’Arusha aboutisse. En effet, le processus d’Arusha marginalisait les extrémistes des deux côtés. Pour le FPR, un partage du pouvoir entre les Hutus et les Tutsis de l’intérieur aurait été un échec complet, puisque depuis au moins 1990, si ce n’est avant, sa politique visait à conquérir par la force l’ensemble du pouvoir. Mais ce n’est vrai qu’après les accords d’Arusha il y a eu un moment d’optimisme optimisme relatif, prudent, mais quand même…

JDM: Ce qu’on reproche également à la France, c’est que le gouvernement intérimaire constitué après l’assassinat du président ne reflétait pas du tout la logique de partage du pouvoir d’Arusha. Vous y voyez une responsabilité ?

Hubert Védrine : …

JDM: Vous partagez donc l’appréciation de Pierre Péan sur la responsabilité de Paul Kagame et du FPR ?

Hubert Védrine :

En effet, je suis arrivé à la conclusion que sans la volonté du FPR de prendre le pouvoir à n’importe quel prix, l’engrenage fatal n’aurait pas eu lieu. Il y aurait sans doute eu des affrontements interethniques classiques, déjà bien tristes et intolérables, mais pas cette immense tragédie.

JDM: Autre sujet controversé, l’opération « Turquoise »…

Hubert Védrine :…

JDM : Est-ce ce traumatisme, une indifférence ou certains pays avaient-ils un agenda caché consistant à favoriser une victoire militaire totale du FPR ?

Hubert Védrine :

Les Américains ont toujours été pro-FPR parce qu’ils appréciaient le président ougandais Museweni, qui soutenait le FPR. L’Ouganda était le bon élève du FMI, etc…, et les rares diplomates américains qui connaissaient la région et s’y intéressaient, lui vouaient de la sympathie. Pour autant, ils n’étaient pas plus en guerre contre la francophonie que la francophonie n’était en guerre contre eux. Tout cela est exagéré. Ce n’était pas non plus pour eux un enjeu vital… Il ne faut pas voir des complots partout, ni dans un sens ni dans l’autre ce qui est raconté contre la France est extravagant et je ne veux donc pas retourner ce genre d’analyse.

JDM: Que s’est-il alors passé ?

Hubert Védrine: …

JDM: Pourquoi la France s’est-elle finalement peu défendue par rapport à toutes les allégations la concernant ? A cause de la cohabitation ?

Hubert Védrine :

Non, lors de la commission d’information parlementaire Quilès, on s’est aperçu que l’appréciation de la situation était très convergente entre la droite et la gauche. C’est vrai qu’il n’y a pas eu de réplique à la hauteur des accusations, sans doute parce que celles-ci ont été effarantes. S’il n’y a pas eu de réaction solennelle et outragée, c’est en raison de cet excès La France aurait coopéré à la préparation d’un génocide ! Qu’est-ce que vous pouvez répondre à cela ? Si les gens qui prétendaient cela prenaient au sérieux leur propre propos, ils n’iraient plus en France, ils ne serreraient plus la main d’un Français, ils lanceraient un mouvement de boycott international, exigeraient des sanctions, que sais-je encore… Ils ne croient pas eux-mêmes ce qu’ils disent.

JDM: Comment expliquer cela ?

Hubert Védrine :

Pourquoi s’est-il trouvé des gens, en Belgique et en France, pour croire et répéter ces accusations dans certains journaux, c’est pour moi mystérieux. Sur place en Afrique, cela s’explique, car ce sont des stratégies de pouvoir classiques qui s’affrontent. On peut avoir une lecture léniniste de la méthode de Kagame comment prendre le pouvoir quand on est une minorité dans la minorité tutsie, si ce n’est à la faveur de grands troubles ? On peut comprendre aussi le jeu du président ougandais , Museweni, et d’autres acteurs locaux. Mais ce sont des logiques classiques que les européens modernes ne voient plus, parce qu’ils croient vivre dans une « Communauté internationale », et ne perçoivent plus les ressorts traditionnels et tragiques de l’histoire. Il n’empêche que ce qui s’est écrit dans une partie des médias français ou belges, reste vraiment mystérieux. Il fallait quelqu’un comme Péan, qui est farouchement indépendant, qui n’a peur de personne, qui finalement défend Mitterrand dans ce livre alors qu’il ne l’a pas ménagé dans « Une jeunesse française », pour rétablir faits et vérité. Péan ne défend pas tellement une « thèse ». Il apporte une montagne de faits. Il sera intéressant de voir si les faits en question sont réfutés ou pas.

JDM : Pour le moment en Belgique, il est surtout accusé de négationnisme…

Hubert Védrine :

C’est une façon d’étouffer le débat. J’ai lu son livre. Il ne nie pas le génocide tutsi. On essaie de faire peur aux gens, de judiciariser la pensée. La seule question est est-ce que ce que dit Péan dans son livre est vrai ou pas ?

JDM: Revenir sur une appréciation qu’on a soi-même portée, c’est souvent au-dessus des forces des médias…

Hubert Védrine :

Les médias sont souvent pour le repentir… des autres.

Abatabizi bicwa no kutabimenya.
Nikozitambirwa.
http://www.hubertvedrine.net/

Le Journal du Mardi. Hebdomadaire. No 243. 22 novembre 2005.
Exclusif
La nouvelle enquête de Pierre Péan
Rwanda
Le président Kagamé vrai responsable des GÉNOCIDES.
Des Belges complices d’une manipulation médiatique.
EDITO
par Laurent ARNAUTS
Un génocide peut en cacher un autre.
DOSSIER

Rwanda
KAGAME, VRAI RESPONSABLE DES GÉNOCIDES
Depuis plus dix ans, la cause semblait entenduedes extrémistes de l’ethnie Hutu ont abattu le l’avion du président Habyarimana le 6 avril 1994, afin de pouvoir exécuter le génocide planifié des Tutsis du Rwanda. De surcroît, avec la complicité de l’Eglise catholique et de la France, dont la controversée opération « Turquoise » aurait visé à effacer les traces. Le FPR de l’actuel président rwandais Paul Kagame aurait sauvé les derniers Tutsis grâce à l’offensive militaire qui l’a mené au pouvoir le 17 Juillet 1994. Et le régime dictatorial qu’il impose aujourd’hui au Rwanda n’a d’autre but que d’éviter l’expression des antagonismes ethniques. Vous y avez cru, nous y avons cru. Pourtant, c’est faux. C’est ce que démontre la nouvelle enquête de Pierre Péan – à paraître ce 24 novembre dans un livre intitulé « Noires fureurs, blancs menteurs » [1] dont nous publions les extraits en exclusivité. Elle retrace la genèse d’un drame qui remonte... en Belgique, avec les efforts du PRL de Jean Gol pour retrouver le chemin du pouvoir au début des années ‘90. A la tragédie humanitaire se superpose désormais un scandale politique. Et médiatique.
LAURENT ARNAUTS
EXTRAIT
L’Histoire impossible
DOSSIER
Pierre Péan
"LA FAMILLE LIBÉRALE A INSTRUMENTALISÉ LE DRAME"
DOSSIER
Pour comprendre
L’HISTOIRE DU RWANDA EN QUELQUES LIGNES
EXTRAIT
Le témoignage d’un compagnon d’armes de Kagamé, ABDUL RUZIBIZA
DOSSIER
EXTRAIT
Les raisons de l’engagement libéral en faveur du FPR
EXTRAIT
Colette Braeckman, LA "SPÉCIALISTE" DU SOIR.
Où était passée la compagnie Lotin LE JOUR DE L’ATTENTAT?
DOSSIER
EXTRAIT
Le lavage de cerveau des élèves belges francophones
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Le Journal du Mardi. Hebdomadaire. No 244. 29 novembre 2005.
Dossier Rwanda
LES RÉACTIONS
LE DROIT DE RÉPONSE DE COLETTE BRAECKMAN, journaliste au "Soir"
Louis MICHEL [MR]"C’est du négationnisme!"
Hervé HASQUIN [MR]"Je n’ai jamais voulu serrer la main de Kagame"
Alain DESTEXHE [MR]"Cette théorie du complot ne tient pas!"
Filip REYNTJENS (UA)REGARD D’EXPERT.
EDITO
par LAURENT ARNAUTS
Un négationnisme peut en cacher un autre.

Le Journal du Mardi. Hebdomadaire. No 243. 22 novembre 2005.
Exclusif
La nouvelle enquête de Pierre Péan
Rwanda
Le président Kagamé vrai responsable des GÉNOCIDES.
Des Belges complices d’une manipulation médiatique.
EDITO
par Laurent ARNAUTS
Un génocide peut en cacher un autre.
DOSSIER
Rwanda
KAGAME, VRAI RESPONSABLE DES GÉNOCIDES
Depuis plus dix ans, la cause semblait entenduedes extrémistes de l’ethnie Hutu ont abattu le l’avion du président Habyarimana le 6 avril 1994, afin de pouvoir exécuter le génocide planifié des Tutsis du Rwanda. De surcroît, avec la complicité de l’Eglise catholique et de la France, dont la controversée opération « Turquoise » aurait visé à effacer les traces. Le FPR de l’actuel président rwandais Paul Kagame aurait sauvé les derniers Tutsis grâce à l’offensive militaire qui l’a mené au pouvoir le 17 Juillet 1994. Et le régime dictatorial qu’il impose aujourd’hui au Rwanda n’a d’autre but que d’éviter l’expression des antagonismes ethniques. Vous y avez cru, nous y avons cru. Pourtant, c’est faux. C’est ce que démontre la nouvelle enquête de Pierre Péan – à paraître ce 24 novembre dans un livre intitulé « Noires fureurs, blancs menteurs »1 dont nous publions les extraits en exclusivité. Elle retrace la genèse d’un drame qui remonte... en Belgique, avec les efforts du PRL de Jean Gol pour retrouver le chemin du pouvoir au début des années ‘90. A la tragédie humanitaire se superpose désormais un scandale politique. Et médiatique.
LAURENT ARNAUTS
EXTRAIT
L’Histoire impossible
DOSSIER
Pierre Péan
"LA FAMILLE LIBÉRALE A INSTRUMENTALISÉ LE DRAME"
DOSSIER
Pour comprendre
L’HISTOIRE DU RWANDA EN QUELQUES LIGNES
EXTRAIT
Le témoignage d’un compagnon d’armes de Kagamé, ABDUL RUZIBIZA
DOSSIER
EXTRAITLes raisons de l’engagement libéral en faveur du FPR
EXTRAIT
Colette Braeckman, LA "SPÉCIALISTE" DU SOIR.
Où était passée la compagnie Lotin LE JOUR DE L’ATTENTAT?
DOSSIER
EXTRAIT:
Le lavage de cerveau des élèves belges francophones

[1] Pierre Péan, « Noires fureurs, blancs menteurs, Rwanda 1990-1994 », Ed. Mille et une nuits (Fayard), Paris, 2005, 544 p.

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