Friday, December 09, 2005

Abdul Ruzibiza et Servilien Sebasoni sur BBC le 12 novembre 2005 - traduction

Traduit le plus littéralement possible par Antoine Nyagahene, historien rwandais.


Le journaliste Felin Gakwaya : Je vais commencer par donner la parole à Ruzibiza pour qu’il puisse nous dire les raisons qui l’ont poussé à écrire ce livre.

Ruzibiza : En réalité j’ai voulu écrire sur quatre points pour que les gens puissent comprendre une guerre qui a été déclenchée et qui n’a pas encore d’histoire écrite, une guerre connue seulement à travers le génocide, connue seulement à travers les massacres. Voici alors le premier point :

1. J’ai voulu écrire sur une guerre à laquelle j’ai moi-même participé depuis le début (avec) le FPR qui était en train de chercher tous les moyens politiques pour résoudre les problèmes entre l’Etat rwandais et les réfugiés se trouvant à l’extérieur du pays et même avec d’autres Rwandais qui étaient à l’intérieur ; il s’est fait qu’à ce moment il n’y avait plus d’autre voie possible si ce n’est celle des armes. Moi aussi je me suis engagé dans cette guerre de mon plein gré selon ma propre volonté (suivant ce que mon cœur me disait) ;

2. La deuxième chose sur laquelle j’ai voulu écrire c’est ce qu’on a appelé génocide en langues étrangères ou bien « itsemba-bwoko » en kinyarwanda, moi j’appellerais ça « irimbura-batutsi » - (l’extermination-des-Tutsi) - qui a consisté à exterminer les batutsi, membres de mon ethnie, ce sont des choses qui sont mal connues ou connues en partie. Moi aussi j’ai voulu apporter ma contribution. Personne ne peut dire que je pouvais être capable de rapporter tous les faits sur le génocide, mais au moins je peux témoigner sur ce que j’ai vu personnellement, au moins dans le cadre militaire, dans le cadre de la guerre, du moins du côté où je me situais.

3. Le troisième point sur lequel j’ai voulu écrire c’est sur la question qui a fait beaucoup de bruit, à savoir la mort du président rwandais de l’époque et qui s’appelait Habyalimana Juvénal. La mort de Habyalimana. Habyalimana, en réalité, il est mort en tant qu’ennemi des inkotanyi, donc il était mon ennemi à moi aussi. Toutefois à propos de cette mort et de sa préparation, le fait de l’avoir tué, tout ça a entraîné des fautes qui ont déclenché le génocide. Moi je crois que ceux qui voulaient le génocide pouvaient bien l’accomplir (tôt ou tard ?) ; mais ils ont trouvé l’occasion dans le facteur déclencheur qui a mis le feu aux poudres. Ce facteur est alors devenu un secret bien gardé (comme « ubwiru ») voilà que onze années viennent de s’écouler, j’ai voulu écrire là-dessus concernant au moins la partie de ce que j’ai pu voir (si petite soit-elle) pour que plus tard les chercheurs qui le pourront, les tribunaux internationaux qui le pourront puissent connaître la vérité et sauront les raisons qui ont fait que le génocide se soit déclenché à cette date.

4. La dernière chose sur laquelle j’ai voulu écrire et qu’on peut retrouver dans mon livre qui est quand même un gros volume c’est la façon dont le FPR, moi aussi j’étais dedans, la façon dont « l’akazu » (la petite maison) qui constitue son sommet fait tout ce qui est en son pouvoir pour que toutes ces choses ne soient jamais dévoilées, connues du public. Ils font tout leur possible pour que tout ça reste secret (ubwiru) pour que personne, qu’il soit rwandais ou étranger ou les rescapés eux-mêmes ou même ceux-là qui sont accusés de génocide, personne n’arrive à découvrir le nœud de cette question.


Le journaliste Felin Gakwaya : Merci beaucoup monsieur Ruzibiza.

Je pense que Sebasoni a bien entendu comment vous avez aligné vos arguments en quatre points et puis j’ai compris que vous Sebasoni vous avez bien lu ce livre à double reprise et que vous l’avez bien compris. Que pensez-vous de tout ça ?


Sebasoni : Le livre je l’ai lu en effet mais j’ai eu beaucoup de difficultés à le comprendre, c’est la raison qui m’a poussée à le relire. En lisant ce livre vous constatez que son esprit, je dirais même son cœur (son fond ?) est basé sur la haine contre une seule personne qui s’appelle Paul Kagame. Je ne peux pas demander à Ruzibiza les raisons de cette haine, car cette haine est évidente depuis qu’il est arrivé sur le champ de bataille. En réalité avant même qu’on le connaisse, on avait sur lui des ouï-dire, alors je me demande pourquoi depuis les premières pages jusqu’aux dernières pages, ce livre contient seulement la haine, comment ce livre pourra être crédible. Autre chose c’est que Ruzibiza semble ne pas bien saisir les objectifs que le FPR s’était assignés. Les Inkotanyi voulaient sauver le pays, mais ne voulaient pas porter secours à chaque individu en particulier, à chaque Tutsi en danger partout où il était. Sauver tout le pays a permis de sauver tous les Tutsi d’une façon complète. Sauver les Tutsi en danger de génocide à gauche et à droite où ils étaient aurait profité seulement à certains, et je pense que cela aurait provoqué la défaite des inkotanyi et ainsi permettre au génocide de continuer, même les quelques rescapés actuels auraient été décimés.


Ruzibiza :

La première chose par laquelle je dois commencer et à laquelle je dois revenir pour que même ceux qui apprendront ce que j’ai dit ne puissent pas s’y méprendre et mal interpréter mes dires c’est la chose dont il vient de parler et qui est assez grave, on dirait que c’est une stratégie qu’il a préparée pour détruire mon livre, c’est le fait de dire que dès le début jusqu’à la fin du livre, il apparaît seulement la haine pour Kagame en tant que personne. Kagame lui-même quand il était en Belgique a dit qu’il ne me connaissait pas du tout. Alors dire que Kagame ne me connaît pas alors pourquoi le haïrais-je ? Est-ce que je peux haïr quelqu’un que je ne connais pas ? Et puis, en réalité, je ne hais pas du tout personnellement Kagame. Par contre si je pouvais dire comparativement à d’autres hommes qui auraient pu savoir ce que j’ai su, si j’étais quelqu’un d’autre animé par la haine, si j’étais quelqu’un qui voulait exagérer dans la haine contre une autre personne, j’aurais pu écrire des choses encore plus mauvaises ou même proférer des insultes. Ceci donc n’a rien à voir du tout avec la haine, je n’ai écrit que de l’histoire.

J’ai de la chance que Sebasoni lui-même ait bien dit que sauver les tutsi un à un ou bien plusieurs tel qu’ils habitent dans le pays, cela n’entrait pas dans les objectifs du FPR. Tant qu’il s’exprime de la sorte, je suis complètement d’accord avec lui, on dirait que nous avons écrit le livre ensemble.

Autre chose tel que je l’ai expliqué dans le cadre du livre, quelqu’un qui veut me donner la paix peut bien le comprendre, moi j’ai rapporté les choses concernant les batailles, j’ai parlé de la guerre. Mais au-dessus de tout c’est que à travers tout ce que j’ai démontré, au travers des cartes que j’ai dessinées, au travers des infos que j’ai données, j’ai démontré que nous devions (pouvions ?) sauver les gens mais que cela n’a jamais été fait. J’ai démontré par exemple sur la seule ville de Kigali où il y avait 12 000 militaires. Mais ce jour là 250 000 personnes ont été immolées, alors que 12 000 militaires, des commandos, étaient venus pour sauver les personnes en danger de mort. Que faisaient-ils pendant tous ces trois mois pour que tous ces milliers de personnes soient tués. J’ai expliqué comment il y a plus de six préfectures qui n’ont reçu aucun secours, pas même une fois, jusqu’à la fin de la guerre.

Donc (mot en français), c’est dire que tel que Sebasoni l’a exprimé lui-même il était question de prendre le pouvoir, prendre ( ?) le pays. Pourtant dès l’attaque, le FPR a clamé tout haut qu’il attaquait pour aller arrêter les massacres. Ne voyez-vous pas de contradiction (mot en français) là-dedans, monsieur le journaliste ?


Le journaliste Felin Gakwaya
: Alors, monsieur Sebasoni, votre objectif était-il donc de prendre le pouvoir ?


Sebasoni :

Le pouvoir ? Quand vous êtes dans un pays et que vous n’avez pas le pouvoir, surtout concernant nous, vous ne pouvez aboutir à rien. La chose que Ruzibiza semble refuser de prendre en considération c’est le mot que je lui ai dit et qui est très important : Sauver le pays a permis d’aider tous les Tutsi d’une façon complète et durable. Tandis que sauver chaque personne en particulier dans son coin aurait profité à quelques-uns seulement. Pour n’importe qui, et même les militaires quand ils ne peuvent pas tout faire, ils choisissent d’aller d’abord à l’essentiel.

Je ne peux pas parler comme Ruzibiza, comme il écrit à la page 354, il dit moi je suis militaire, je connais la stratégie (mot en français). Stratégie (mot en français) c’est la façon de conduire les militaires et de conduire la guerre et je la respecte. Après avoir dit ça, il continue : quand nous étions alignés et que quelqu’un essayait d’aller à gauche ou à droite et que ses hommes étaient tués il était puni. Tout ça est le comportement militaire, je pense que c’est une grande stratégie. Quant aux inkotanyi, s’ils avaient accouru pour sauver tel ou tel entrain de souffrir quelque part ils n’auraient abouti à rien.

Sauver le pays a permis d’aider tous les tutsi d’une façon durable. Cela a permis aux inkotanyi de gagner la guerre, et quand ils sont arrivés au pouvoir ils ont arrêté le génocide et « l’itsemba-bwoko » d’une façon durable. Sinon, sauver un à un à gauche et à droite même si je ne connais pas la stratégie comme Ruzibiza, je pense que cela aurait été une chose qui n’existe pas dans la façon de diriger la guerre.


Ruzibiza
:

Pour ma part je ne sais pas si avec Sebasoni nous sommes dans un débat contradictoire car nous disons la même chose ; l’esprit (mot français) dans lequel j’ai écrit mon livre tel qu’il le dit c’est ce que moi-même je dis. Moi j’ai dit que le FPR n’a jamais eu comme projet d’aller sauver les Tutsi, mais actuellement il se proclame comme sauveur des Tutsi. Ceci est une première chose ; et je dis que c’est un argument important.

La deuxième chose : regardez les médailles qu’ils se sont octroyées et qu’ils portent pour afficher qu’ils ont arrêté le génocide.

La troisième chose : constate comme quoi aller sauver tel ou tel Tutsi en particulier. Le FPR ne pouvait … Moi-même je suis militaire, moi je sais de quoi il s’agit. D’ailleurs (en français) j’avais demandé qu’on envoie les militaires pour que ce soit avec eux que nous menions le débat sur ces choses et ils ont refusé de les envoyer. Donc le FPR n’a jamais mis dans son plan le fait d’aller sauver les Tutsi (…mot indistinct ??), il le dit lui-même, et ça c’est passé ainsi ; ce que justement je peux appeler la stratégie (mot en français). Et si ce n’était objet de débat pourquoi serions-nous entrain de discuter. D’ailleurs je ne devrais pas continuer à discuter outre mesure je pourrais vous demander de vous reporter à mon livre.


Le journaliste Felin Gakwaya : Mais avant que nous abordions une autre question, j’aimerais poser une question à Ruzibiza sur ce point. La dernière fois quand nous parlions de cette question on nous a dit qu’en fait Ruzibiza ne faisait que se moquer des gens que le FPR a pu sauver.


Ruzibiza :

Je voudrais vous dire que les quelques personnes que l’on peut compter sur les doigts qui ont pu être sauvées dans ce génocide, ce sont les gens qui ont été trouvés sur le chemin que les Inkotanyi ont emprunté. Autre chose à signaler et qui est important et que Sebasoni a abordé en parlant de la stratégie qu’on peut lire à la page 354 qu’il a citée, ça aussi c’est très important car depuis longtemps je me suis exprimé en disant qu’on nous a empêché de sauver les Batutsi alors que nous en étions capables. Je suis content qu’il l’affirme lui-même.

Le journaliste Felin Gakwaya : Ruzibiza je voudrais vous poser cette question : Vous avez affirmé dans votre livre et même maintenant pourriez-vous continuer à affirmer que si l’avion de Habyalimana n’avait pas été abattu l’itsemba-bwoko n’aurait pas eu lieu ?

Ruzibiza :

L’itsemba-bwoko devait avoir lieu. Par contre il n’aurait pas commencé à la date du 7 avril. Donc (en français) abattre l’avion, tuer Habyalimana ont eu pour conséquence qu’il débute le lendemain. Mais l’autre chose sur laquelle je ne suis pas d’accord avec la propagande du FPR, c’est qu’ils affirment qu’il y avait un plan de tout le pays d’exterminer tous les Tutsi, jusqu’à ce qu’il n’en reste aucun. ça je n’y crois pas. Ce que j’affirme c’est qu’il y avait des massacres de masse que j’appelle génocide car il y avait le projet d’exterminer les Tutsi se trouvant dans la ville de Kigali. Pour le reste du pays, cela a demandé des forces énormes, pour aller inculquer ça aux populations, leur faire peur pour qu’ils adhèrent au programme, leur apporter les machettes et les fusils, aller les organiser dans les tueries, tout ça qui pouvait les mobiliser, les surexciter, les chauffer à blanc pour qu’ils le fassent. Par contre dans la ville de Kigali, c’était plus facile à faire.

Sebasoni :

Ruzibiza se trompe quand il dit que nous disons la même chose. Ce que j’ai voulu lui faire comprendre, c’est que quand les militaires vont sur le champ de bataille, quand ils vont se battre, même si je ne connais pas la stratégie comme lui, ils ne sont pas la Croix Rouge. Les Inkotanyi n’étaient pas la Croix Rouge ; ils ont voulu sauver les Banyarwanda et pas seulement les Tutsi, ils sauvaient tous les Banyarwanda. C’est dire que les Inkotanyi avaient le programme de faire une œuvre qui regarde loin, et ainsi le génocide ne pourrait plus avoir lieu au Rwanda. Ceci se trouve même dans le projet de la famille FPR Inkotanyi. Quant à l’avion de Habyalimana, ce n’est pas ce qui a débuté le génocide. Il le connait, n’importe où il se trouvait, il sais que le génocide avait commencé bien longtemps. A Bigogwe, l’avion de Habyalimana n’avait pas encore été abattu. Un peu partout au Rwanda, à Nyamata souvent, et puis lui-même le dit dans son livre. Ce qui est difficile dans le livre de Ruzibiza c’est que ce que vous lisez sur une page diffère de ce que vous retrouvez sur la page suivante.

Le journaliste Felin Gakwaya : Il vous demande de dire quelles sont ces choses.

Sebasoni : Eh bien je comprends qu’il a dû souffrir, nous tous nous avons souffert. Mais il y a l’adage rwandais : « le coeur plein de souffrances ne trouve pas les mots pour s’exprimer ».


Ruzibiza : Qu’il dise ces choses.

Le journaliste Felin Gakwaya : Ruzibiza, avant qu’il nous dise ces choses, moi-même je voudrais vous dire que à la page 243 de votre livre, vous écrivez que c’est à la date du 6 janvier que les missiles pour abattre l’avion de Habyarimana ont été convoyés de l’Uganda pour être apportées au Rwanda, à Mulindi. Et puis après à la page 232 vous dites que le projet de tirer sur Habyarimana a été préparé à Mulindi à la date 31 mars. Tout ça c’est toujours en 94. Comment conciliez-vous ces choses à savoir que le programme de tirer sur lui soit en mars et les missiles soient venus en janvier ?


Ruzibiza
:

Si vous avez voulu que nous achevions la question par laquelle nous avons commencé, permettez-moi de terminer en disant que Sebasoni vient de dire le mot comme quoi le FPR ne devait pas accomplir le travail humanitaire qu’il n’était pas la Croix Rouge sur la question concernant le fait de sauver les Batutsi. Suivant que ce j’ai entendu, tel que je l’ai écrit et que je trouve que c’est la même chose quoiqu’il vient de le nier en disant que nous disons pas du tout la même chose, moi je dis que quand j’ai commencé l’autre guerre que nous avons menée, on nous a dit que nous allions arrêter les massacres. C’est ce programme qui nous a fait partir. Ce sont ces déclarations qui étaient émises sur Radio Muhabura, ce sont ces déclarations qui étaient envoyées à l’ONU, c’est ce qui était dit à Roger Booh Booh, à Dallaire ; c’est ce qui était dit aux Nations Unies comme quoi si l’itsemba-bwoko n’est pas arrêté, le FPR va aller l’arrêter lui-même ; qu’il va sauver les victimes. Et voilà que le porte parole du FPR, le grand conseiller, le sage vient de dire lui-même que le FPR ne devait pas faire le travail de Croix Rouge ou de l’humanitaire pour aller sauver les gens.

Je pense que nous venons de terminer ce point.

Concernant les missiles : j’aimerais qu’il n’y ait pas de confusion…La branche armée APR était comme une branche de la NRA. Les militaires APR constituaient une partie de l’armée ougandaise. C’est pour dire que les cartouches et les munitions qui venaient au Rwanda vers le FPR, c’était celles qui étaient envoyées à Gulu en Uganda. Tous les approvisionnements nous étaient fournis par l’armée de l’Uganda. le fait que les missiles, les cartouches et les fusils soient entrés au mois de janvier et que le plan ait été forgé au mois de mars, c’est que les missiles n’avaient été amenés nécessairement pour abattre le seul avion de Habyarimana. Car si on en a apporté quatre, il a été abattu par deux seulement. De plus à Mulindi, il y avait toujours une arme anti-aérienne pour garder l’espace de là. Il n’y a donc aucune contradiction là-dedans. Et puis même comment pourrais-je dire que ce plan a été forgé à ce moment alors que plutôt c’est ce jour même où s’est tenu la dernière réunion pour parachever le programme et prendre les dernières décisions. Les enquêtes sur le terrain étaient terminées, il était question de décider une fois pour toutes. Ce n’était pas à ce moment que l’idée de tuer Habyarimana avait commencé a germer … ce n’était pas à ce moment !

Le journaliste Felin Gakwaya : Sebasoni alors et le FPR vous êtes toujours accusés que c’est vous qui avez abattu l’avion de Habyarimana, le niez-vous toujours ?


Sebasoni :


Ce n’est pas la première fois … vous comprenez … être accusé ce n’est pas la première fois, ça s’est fait à plusieurs reprises. Mais nous attendons la preuve, mais la preuve tangible.

Vous savez bien qu’il a été rapporté plusieurs façons il y en a même qui arrivent à sept possibilités. Parmi ces sept présumés qui auraient abattu l’avion de Habyarimana il y a aussi les Inkotanyi. Parmi les gens qui n’aiment pas Inkotanyi, ils ont dit que l’endroit où l’avion a été abattu, c’est là où campaient ces derniers. Pourtant partir de l’endroit où se trouvaient les Inkotanyi et arriver là où l’avion a été abattu, c’était impossible. En plus (mot indistinct ?) il y passait beaucoup de gens : Il y avait là les militaires de Habyarimana, les militaires français, et même les belges, et même au cours de cette soirée après l’attentat sur l’avion, c’est vers eux que se sont portés les soupçons.

J’ai lu attentivement la partie où Ruzibiza décrit la façon dont l’avion de Habyarimana a été abattu, je me suis demandé où il se trouvait car ce n’est pas très clair dans son livre.

Ruzibiza : Dans mon livre j’ai mis toutes les informations que j’ai pu rassembler concernant l’avion parce que je ne pouvais pas être partout comme le vent.


Sebasoni : Il a dit que c’était des ouï-dire.


Ruzibiza
: Attends un peu, ne va pas me faire dire ce que je n’ai pas dit ! Ce n’est pas ici où je suis entrain de parler, vous parlez à partir de Belgique, et moi je parle à partir de Norvège , nous sommes en Europe. Quelqu’un qui prétend être témoin au tribunal, c’est que ou bien (en français) il a vu ce qu’il dit, ou entendu, ou bien les deux. Or moi, les services que je faisais dans Kigali m’ont permis de voir ce que j’ai vu, m’ont permis d’entendre ce que j’ai entendu, de sorte que mon témoignage est un vrai témoignage. Quant à ce que je faisais d’autre, le service que j’effectuais, cela regarderait le cadre policier, ce n’est pas le cadre de journaliste.

Le journaliste Felin Gakwaya : Donnons la parole à Sebasoni pour qu’il continue là. Sebasoni vous disiez que sur la question concernant les enquêtes sur l’avion abattu de Habyarimana, est-ce qu’à présent le Rwanda peut-il accepter que l’opinion internationale ou d’autres personnes neutres puissent conduire une enquête ou le FPR accepterait-il si une telle enquête était demandée ?


Sebasoni
:


La première chose sur laquelle je peux vous répondre est très facile elle a été demandée par le Ministre de l’Etat actuel que l’organisme chargé de l’aviation peut faire l’enquête. On l’appelle l’Organisation de l’Aviation Civile (en français). Et n’importe qui d’autre peut faire l’enquête. Et puis rappelez-vous il y a beaucoup de rapports, et parmi ces rapports il y avait des éléments sur cet avion. Jusqu’à présent personne n’a pu établir la façon dont cet avion a été abattu. De plus, vous avez bien compris ce que Ruzibiza a dit, que parmi ces dires il y a deux parties, son témoignage. Il y a ce qu’il a vu, il y a aussi ce qu’il a entendu. Si j’ai bien compris, ce qui concerne l’avion se situe dans ce qu’il a entendu, il ne peut donc en témoigner. ….

(ici Ruzibiza a voulu contredire Sebasoni mais le journaliste lui a demandé de le laisser finir) … ce que vous avez vu et ce que vous avez entendu , ce que vous avez entendu on appelle ça en kinyarwanda « amabwire » (les ouï-dire) ça n’a pas le même poids.


Le journaliste Felin Gakwaya :
Ruzibiza, vous m’excuserez mais je voudrais qu’avant de répondre, je puisse vous rappeler qu’à la page 209 de votre livre au bas de la page, vous dites que le CDRa écrit une lettre à Habyarimana et Uwilingiyimana Agatha, une lettre disant qu’ils leur demandent de démissionner de leurs postes s’ils ne peuvent rien faire sur les massacres perpétrées sur les bahutu de la zone tampon. Est-ce que les gens qui demandaient à Habyarimana de démissionner, les gens disent que c’est eux qui auraient conçu le plan de le tuer, si on vous disait ça, le croiriez-vous ?

Ruzibiza :

Il y a certaines théories (en francais) que je n’accepterais jamais , auxquelles je ne peux pas croire même si on me les faisait passer à travers une injection, il faut que je le dise à Sezisoni et que je le lui répète, l’affaire de CDR, je vais y revenir après.

« ce que je dis sur la façon dont Habyarimana à été tué par deux soldats inkotanyi ce sont les faits auxquels j’ai assisté personnellement ! Si le FPR trouve que je raconte des mensonges, ou que je lance des insultes, ou que je les salis pour rien, ou que je fais de la médisance, qu’il ne fasse rien d’autre si ce n’est m’assigner devant les tribunaux ».

Parce que je rapporte les choses auxquelles j’ai assisté. Même si je vous dis que je n’ai pas assisté à la réunion de Mulindi parce que je n’étais pas de ce côté-là, mais je vous affirme que j’ai vu la rocket sortant du missile et percutant l’avion de Habyarimana. Si vous voulez parler de Bagosora ou des Belges, de la CDR, tout ça ce sont d’autres questions que je ne veux même pas entendre car quand elles arrivent dans mes oreilles, elles y trouvent autre chose de différent.

Ce que je veux dire alors est ceci. Le fait que la CDR aurait demandé à Habyarimana de démissionner, cela semble dire que il y avait certains irréductibles qui voyaient qu’il avait accordé trop de façon qu’il devait être liquidé, et ainsi ils auraient conduit leur génocide tel que beaucoup le disent, comme ça vous m’aurez conduit dans une autre hypothèse différente de ce que j’affirmais tout à l’heure.

CDR était en réalité le porte parole de Habyarimana. Déclarer qu’ils n’étaient pas d’accord avec lui était comme du théâtre ! Ces irréductibles, s’ils ont dit qu’ils n’étaient pas d’accord parce qu’il n’a rien fait sur les massacres perpétrés à Kirambo (…mots indistincts ) et ailleurs, cela est habituel, c’est comme actuellement, FPR peut créer une petite radio qui pourrait parler pour lui dans les moments difficiles. En plus je ne pense pas que le CDR lui-même avait les capacités de tuer Habyarimana par ses propres moyens, il n’en avait pas.

Le journaliste Felin Gakwaya : Ruzibiza, vous dites que les massacres qui ont suivi l’attentat contre l’avion de Habyarimana et même avant, et même pendant l’itsemba-bwoko et après, qu’il y a eu l’itsemba-bwoko envers les Batutsi et même envers les Bahutu, pourriez-vous nous expliquer comment ces choses se sont passées ?

Ruzibiza :

Monsieur le journaliste, cette affaire n’est pas simple car c’est là où se trouve même le piège selon beaucoup de gens, que peut-être je serais en train d’essayer d’apporter… d’affirmer les fameuses théories (en français) de double génocide, et que je voudrais réduire l’itsemba-bwoko conduit contre les Tutsi, etc, etc.

En réalité, si je dis qu’il y a eu des faits de génocide à l’égard des Batutsi et à l’égard des Bahutu, ce n’est pas pour mettre les deux réalités sur le même niveau, ou pour qu’ils se confondent ou que l’un fasse nier l’autre. Ce n’est pas possible ! Par contre, ce que les Tutsi ont subi est un véritable génocide, cela tout Rwandais le sait, les étrangers le savent, même ceux qui l’ont perpétré savent que c’est un génocide. Ce que les Hutu ont subi également dans certaines régions du pays, cela a même continué après la prise du pouvoir, même cela aurait été un génocide complet et clair (suit un morceau de phrase incompréhensible). Cela a été une chance en réalité. Les choses que j’ai vues, les choses sur lesquelles j’ai mené des enquêtes, ce que j’ai vu avec mes propres yeux, ce qui m’a été rapporté par mes collègues qui avaient suivi d’autres chemins, ce qu’ils ont vu et les témoignages qu’ils m’ont procurés, tout ça me montre que selon mon propre jugement, je ne peux les qualifier autrement que par le terme de génocide.

Le journaliste Felin Gakwaya : Sebasoni vous venez d’écouter ça, qu’en dites-vous ?

Sebasoni :

J’ai bien entendu ! Ruzibiza continue de parler longuement et ne permet pas qu’on lui réponde. Maintenant je vais répondre en trois points

Le premier point : Ruzibiza, s’il pense que parmi les inkotanyi il n’y avait pas seulement des gens imbéciles (ibicucu), il aurait dû comprendre mais de temps en temps il pense qu’il y avait seulement des imbéciles parce que qu’il y a des moments où il dit que Kagame allait occuper les collines vides de gens et les marais, et qu’il ne voulait pas combattre les génocidaires.

(Ici Ruzibiza lui a coupé la parole en disant : « c’est vrai, ça c’est passé comme ça »)

Il n’y avait aucun intérêt à tuer Habyarimana pour les Inkotanyi, ceux-ci l’ont exprimé souvent. Ils ont dit qu’ils voulaient changer le régime.

Le deuxième point : Quand Ruzibiza dit que les Inkotanyi tuaient les Bahutu parce qu’ils sont seulement Hutu, qu’ils voulaient les exterminer, comment peut-on le croire alors qu’on sait qu’il y a des Hutu qui ont été sauvés par les Inkotanyi. En plus il sait que quand les Inkotanyi ont acquis la victoire, ils ont gouverné le Rwanda avec les Hutu jusqu’aujourd’hui.

Ruzibiza :

Le fait qui m’amène à affirmer qu’il y a eu des massacres à l’égard des Bahutu et en effet que ces massacres sont à classer à l’échelle du génocide, je le dis de la façon suivante. Les massacres (de masse) faits sur des gens seulement à cause de leur origine ethnique, sans distinguer les enfants, les vieilles, les vieux, les combattants et les civils, et vous les tuez parce qu’ils appartiennent à telle origine ethnique, ces lois tel qu’il les connaît, toute la politique rwandaise est basée sur le génocide, je pense qu’il connaît cette définition (en français), de tels massacres ne portent que le nom de génocide.

Le journaliste Gakwaya : Ruzibiza, en conclusion de tous vos écrits, vous dites que pour pouvoir écrire tout ceci vous avez dû abandonner votre appartenance ethnique de Tutsi pour pouvoir mettre à jour ce qu’on a fait subir aux Bahutu. Mais dans vos écrits, et vous-même vous étiez militaire, pendant 11 ans, je n’ai vu nulle part où vous en tant que militaire, vous écrivez en disant moi j’ai tué ceux-ci, moi j’ai fait ça.

Ruzibiza :

Le français est une langue difficile, en réalité si vous traduisez le français en kinyarwanda, ça devient compliqué. Là où j’ai utilisé « nous », les autres utilisent « on », là où je dis « je », je mets au pluriel et ça devient « nous ». Donc autrement quand je dis « nous », j’exprime le FPR auquel j’appartenais.

Pour le reste ce que je voudrais vous dire et que vous devez bien comprendre à vous monsieur le journaliste et même Sebasoni devrait bien l’entendre, les Inkotanyi n’avaient jamis été créés pour tuer. Mais il y avait des groupuscules qui étaient spécialisés dans ce domaine. Ce sont ces petits groupes spécialisés qui ont accompli ce que j’appelle le génocide. Ces équipes de tueurs, ont commencé de tous côtés en massacrant les gens au moment où nous nous battions, au moment même où on nous refusait la possibilité de sauver ceux qui étaient en danger de mort, eux de leur côté, ils vaquaient à massacrer les gens, dans des endroits où il n’y avait même pas les combats. C’est là à Bwisige, à Giti, à Buyoga, là où il n’y a même pas eu de génocide. C’est par là qu’ils ont commencé à tuer depuis le petit enfant jusqu’à la petite vieille.

Quant à mon rôle pendant 10 ans que j’ai passé dans l’armée le combat que j’ai mené c’est d’être justement un militaire et me battre comme un militaire. On ne m’a jamais vu avec la grande envie de verser du sang des gens de façon qu’on puisse me mettre dans l’équipe des tueurs. J’ai beaucoup de preuves à ce sujet.

Parce que j’ai beaucoup de cas, plus de cent cinq endroits dans le pays du Rwanda, mis à part les collines vides, je parle des écoles, je parle des églises, je parle des cadavres qui ont été mélangés avec d’autres, je parle des endroits où il y avait des Batutsi tués, dès que ces équipes de tueurs y passaient eux-mêmes ils tuaient des Bahutu et tous les cadavres étaient mélangés.

Le journaliste Felin Gakwaya : Sebasoni, en conclusion vous aussi, toutes ces choses que Ruzibiza écrit, il donne des preuves, il cite des endroits, les périodes, il parle des personnes et de leurs plans ainsi que de ceux qui ont planifié et d’autres qui les ont mis en application, toutes ces choses de votre côté …

Sebasoni :

Ruzibiza a dit qu’il n’était pas juge ! Moi aussi je ne suis pas juge, mais je continue à penser que Ruzibiza n’a pas très bien compris les choses. Vous ne pouvez pas conduire une guerre et dire que vous ne tuerez personne. C’est justement le fait de confondre Inkotanyi avec la Croix Rouge. Eh ! quand les Inkotanyi arrivaient sur telle ou telle colline et qu’ils trouvaient que les Interahamwe étaient entrain de tuer les gens, ils ne pouvaient pas leur dire d’arrêter, pour que vous nous montriez vos papiers, afin de trier, ceux qui veulent tuer, les tueurs, ceux qui ne sont pas des tueurs, et ça… Ceci n’est pas possible dans la guerre.

Ruzibiza :

Si vous allez compter tous ceux qui sont morts de cette façon sur le champ de bataille, vous trouverez des millions. Moi je parle des massacres qui ont été accomplis avec planification (ou préméditation) et c’est ce que j’ai écrit tel que vous deviez l’avoir lu.

Sebasoni : La question que j’aimerais poser, une petite question : Ce livre-ci Ruzibiza l’a destiné à qui ? Je me demande s’il l’a destiné aux Rwandais pour qu’ils puissent bien gouverner le Rwanda, ou s’il l’a destiné à ceux qui veulent détruire le Rwanda. Le jour où ils vont mal utiliser ce livre, ceux qui veulent détruire le Rwanda, qu’est-ce que Ruzibiza a prévu de faire ?

Ruzibiza :

Par contre moi je voulais vous demander si la haute autorité du Rwanda, si elle peut accepter que ce livre soit diffusé et commercialisé au Rwanda.

Sebasoni : Ce livre n’est pas interdit au Rwanda.

Ruzibiza :

Ce livre en réalité … le génocide est un crime même si les dirigeants du FPR ont voulu en faire une affaire particulière, mais normalement c’est un crime qui concerne l’humanité toute entière (en français). Donc c’est un livre qui concerne beaucoup de gens. Deuxièmement je l’ai dédié à tous ceux qui sont morts injustement, pour qu’au moins je puisse me rappeler que le chagrin avec lequel ils sont morts, la méchanceté avec laquelle ils ont été tués, ceux qui sont traités injustement jusqu’aujourd’hui et auxquels on n’a jamais rendu justice (et dignité), au moins qu’il y a des gens qui se rappellent d’eux. Je l’ai écrit pour ceux qui sont mort injustement, je l’ai écrit pour ceux pour lesquels justice n’a pas été rendue, … (mots indistincts) …. Aucune mauvaise leçon n’est contenue dedans. Ceux qui pourraient l’utiliser en voulant mener une guerre contre le Rwanda, ça c’est leur problème, ce problème ne me regarde pas. Moi je réclame (« ndareclama ») la justice pour tous. Il y a des criminels. Que tous ceux-là sachent qu’un jour une meilleure gouvernance pourra être instaurée, le jour où l’opinion internationale s’en occupera, la justice sera rendue.


Abatabizi bicwa no kutabimenya.

Nikozitambirwa

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"L'homme, à mon avis, se perfectionne par la confiance. Par la confiance seulement.
Jamais le contraire." (Mustafaj)
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