Thursday, October 27, 2005

Rwanda: Assassinats des Officiers du FPR-APR


Rwanda : Assassinats des Officiers du FPR-APR relatés par le Lieutenant Abdul Ruzibiza.

« La question des soldats de l’APR qui sont régulièrement tués est très complexe. Les assassinats diffèrent dans leurs formes, mais ils sont tous dus à ce qui suit : lorsque vous avez travaillé pour l’APR et que vous perdez la confiance de l’armée, vous devenez un élément dangereux, susceptible de divulguer des secrets ; lorsque vous commencez à fréquenter un milieu hostile au FPR où vous pouvez également faire des révélations ; lorsque vous êtes marié à une femme hutue ou une femme née de parents hutu et tutsi ; lorsque vous n’êtes pas d’accord avec les agissements de l’APR contraires à la dignité humaine ; lorsque vous êtes soupçonné de collaborer avec les opposants au régime de Paul Kagame.

Il y avait aussi d’autres raisons.

Le colonel Charles Ngoga a été assassiné parce qu’il concurrençait le marché du commerce de lait du général-major Paul Kagame. Plus de six fois, le lait des vaches du colonel Charles Ngoga a été déversé en plein milieu de la route par les gardes du corps du président Paul Kagame. Il demanda si l’homme fort de Kigali ne croyait pas avoir combattu seul pour la libération du Rwanda. Ajoutées au rôle combien important qu’il avait joué au sein du FPR, ces paroles acerbes constituaient désormais un danger imminent, d’autant qu’il était accusés de comploter avec ceux qui préparaient un coup de force. Finalement, on l’a tué avec un poison très violent versé dans son verre par le colonel Dan Gapfizi.

Le lieutenant-colonel Wilson Rutayisire, qui se surnommait Shabani, ancien directeur de l’ORINFOR, a été tué par balles par le lieutenant-colonel Mulisa sur ordre du générall-major Paul Kagame. Il était soupçonné d’être à la tête d’un groupuscule de militaires rentrés de l’Ouganda et qui n’approuvaient pas la façon dont Kagame dirigeait le pays. Ces militaires étaient persuadés que le général-major Paul Kagame commettait des erreurs graves qu’il serait difficile de corriger plus tard, comme tuer et emprisonner injustement la popualtion, accuser tous les Hutus de génocide et engager beaucoup de miliciens Interahamwe reconnus dans l’APR.
Le major Rachid Mugisha alias Kyojo est décédé d’une injection administrée par le major Dr Joseph Ntarindwa à l’hôpital militaire de Kanombe. L’ordre d’exécution provenait de la DMI qui avait elle-même reçu ledit ordre du général-major Kagame en personne. Il semble qu’il a été assassiné à cause de son amitié avec le capitaine Serwanda, lui-même assassiné sous prétexte qu’il préparait une guerre contre le FPR. Mais le major Mugisha a aussi provoqué son assassinat par son caractère magnanime qui ne supportait pas les maladresses et les injustices au sein de l’armée.

Le major Alex Ruzindana a été assassiné quelque temps après sa démobilisation de l’APR. On a prétendu qu’il faisait partie des militaires qui préparaient un coup d’Etat. Il a été abattu par le capitaine Butera. Qu’on ait cru qu’il voulait faire un coup d’Etat est dû au fait qu’il s’opposait ouvertement aux massacres et aux assassinats des gens à cause des divergences d’opinion. Il était persuadé que si on ne mettait pas fin à ce phénomène, le pays courait à sa perte.

Le major Dr Ndahiro et Dr Jean Gahungu ont été abattus, vers fin juillet 1994, du côté de Rwamagana dans la direction de Kayonza. A bord de la voiture que conduisait le major Dr Ndahiro, ils sont tombés dans une embuscade tendue dans un virage par des militaires. Le conducteur a essayé d’esquiver ces tueurs et il a perdu le contrôle de la voiture. Les deux officiers et un des membres de leur escorte ont été tués dans cet accident. Le major Ndahiro a été éliminé non seulement parce qu’il avait fait de brillantes études, mais aussi parce qu’il n’aimait pas les intrigues. En dépit de ses relations avec les Inkotanyi, le Dr Jean Gahungu a été éliminé parce que son fils avait noué une forte amitié avec la famille du président Juvénal Habyarimana (aujourd’hui son fils a épousé l’une des filles de feu Habyarimana).

Le major John Birasa et le capitaine Eddy ont péri dans une embuscade qui leur a été tendue par le propre adjoint de Birasa. Ce major a été tué parce qu’il n’acceptait pas le mauvais fonctionnement du FPR et d’une armée mercenaire. Dans les années 1993-1994, c’est lui qui était responsable de la logistique des militaires qui s’infiltraient dans la ville de Kigali et de ceux qui semaient l’insécurité dans tous les coins du pays. Il avait également participé à l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana. En le tuant, on voulait éviter qu’il dévoile ce qui s’était passé, d’autant plus qu’il commençait à montrer son mécontentement sur la façon dont le pays et l’armée étaient dirigés.

Le capitaine Hubert kamugisha avait été utilisé par le génral-major Paul Kagame pour commettre plusieurs atrocités, notamment dans les assassinats d’hommes politiques parmi lesquels le ministre Félicien Gatabazi du parti PSD, Martin Bucyana du CDR et d’autres. Il a servi dans le placement des mines au Rwanda, plus particulièrement dans la ville de Kigali au début de l’année 1994. Il a aussi été utilisé pour recueillir des renseignements plus poussés pendant les jours qui ont précédé l’attentat contre l’avion présidentiel. En fin de compte, contrairement à la plupart des autres, il n’a pas été récompensé et il n’est même pas monté en grade pour tout le travail qu’il avait pu accomplir. Son mécontentement public lui a valu une mutation de la DMI au 17è bataillon (il a été relégué dans les unités qui n’avaient rien à voir avec le renseignement). Peu de jours après, il a été tué par balles suite à la conspiration de la DMI et sur ordre de Paul Kagame et on a rapporté qu’il s’était suicidé. Il importe de rappeler ici qu’il était le seul officier de l’APR qui avait bravé des situations très dangereuses en se mêlant aux Interahamwe tout en sachant que, s’il était découvert, il risquait de se faire crever les yeux. Cependant, il est resté au grade de capitaine pendant que de plus jeunes que lui étaient promus majors ou lieutenants-colonels.

Le capitaine S. Kavuma. Cet officier avait été démobilisé de l’APR parce qu’il ne s’entendait plus avec le régime du FPR. En route vers l’Ouganda, il fut arrêté au poste frontalier de Gatuna. Il a été conduit à la DMI à Kami et tué à l’aide d’une houe usagée.

Le capitaine David Sabuni. Comme il désapprouvait le fonctionnement du régime du FPR, notamment l’injustice dans l’élévation aux grades et les nominations aux postes de direction dans l’APR, il a décidé de s’exiler en Ouganda. Paul Kagame a convoqué une réunion militaire où il a demandé à tous les commandants des brigades d’user de tous les moyens à leur disposition, en collaboration avec la DMI, pour rapatrier tous les militaires qui s’étaient exilés en Ouganda. C’est ainsi que le colonel Mubarakh Muganga a essayé d’entrer en contact avec le capitaine David Sabuni. Quand il est parvenu à le joindre, il lui a menti et dit qu’on avait expliqué son problème au président Paul Kagame qui, lui aussi, l’avait trouvé compréhensible. Le colonel Muganga a invité le capitaine à rentrer pour être rétabli dans ses droits, au lieuy- de continuer à lutter contre le régime. Le capitaine Sabuni a d’abord eu quelques hésitations mais le colonel MUganga l’a rassuré en lui promettant qu’il se chargeait de l’affaire. Le colonel lui a alors envoyé de l’argent et les moyens nécessaires pour rentrer en toute discrétion. Arrivé à Gatuna, le capitaine a été remis, pieds et poings liés, aux bourreaux de la DMI et fut assassiné après avoir été longuement torturé.

Accusé de vouloir lancer une guerre contre l’APR, le capitaine Serwanda a été tué au parc national de l’Akagera avec son escorte. La nouvelle s’est vite répandue selon laquelle il aurait été tué en tentant d’organiser une rébellion armée dans la forêt pour renverser le pouvoir du FPR. Mais les vraies raisons de son élimination étaient tout à fait autres. On voulait se débarrasser de lui.

Le lieutenant Aloys Rupari a été assassiné à Mulindi (Kanombe) par les soldats de la Garde républicaine commandée par le lieutenant Bosco Ndayisaba sur ordre du capitaine Silas Udahemuka. Il a été tué parce qu’il dénonçait l’injustice qui caractérisait les arrestations et emprisonnements massifs de la population.

Le sous-lieutenant Dan Ndaruhutse, commando de formation, qui était le garde du corps de Paul Kagame dans la garde républicaine, a été abattu en même temps qu’un autre soldat qui était soupçonné d’avoir participé à un vol armé. Le sous-lieutenant Ndaruhutse n’avait rien à voir avec cette affaire de vol. Il a été tué tout simplement parce qu’il aurait osé demander pourquoi son confrère était arrêté brutalement. Leur tueur aurait dit qu’il avait eu la chance de tomber sur le sous-lieutenant, car ce dernier était recherché pour divulgation des secrets aussi bien de la Garde républicaine que du président Kagame lui-même. Les deux militaires ont donc été assassinés sur ordre du capitaine Silas Udahemuka.

Le lieutenant Karegeya, qui était dans le 3ème bataillon au CND durant la guerre de 1994, a été abattu par le lieutenant-colonel Charles Kayonga dans la ville de Kigali quelque temps après la fin de la guerre. Oncraignait qu’il ne dévoile les informations relatives non seulement à l’attentat contre l’avion présidentiel de Habyarimana, mais également aux assassinats des hommes politiques comme Félicien Gatabazi, Martin Bucyana, Emmanuel Gapyisi et Emmanuel Bahigiki. Ce militaire, originaire de Kibungo, avait longtemps vécu à Kigali avant de joindre l’APR. Il a été très utilisé dans l’espionnage qui s’effectuait au Rwanda et dans la ville de Kigali en particulier. Il s’atait évertué à obtenir des cartes d’identité rwandaises pour les soldats de l’APR qui s’étaient infiltrés dans la ville de Kigali avant le génocide. Il l’a fait en collaboration avec le capitaine Charles Karamba, le colonel Lizinde et les proches de Kanyarengwe qui étaient dans l’adminisitration. Cette collaboration facilitait l’obtention des pièces d’identité pour les militaires de l’APR.

Le lieutenant Rwagasana, un Hutu, très doué en français et en anglais, avait servi de traducteur-interprète pour Paul Kagame pendant la période de guerre. Il a été abattu dans le 101e bataillon par le capitaine Jimmy Muyango. Son élimination s’expliquait par le fait qu’il était hutu, qu’il n’avait plus la confiance de l’unité du haut commandement qui assurait la sécurité de Kagame, qu’il connaissait toute la correspondance de Kagame et qu’il détenait des informations fondamentales sur les assassinats des hommes politiques, Juvénal Habyarimana y compris. Sa mort a été qualifiée d’accidentelle. Il a été remplacé par le lieutenant Jean Bosco Kazura au poste de traducteur-interprète.

Le lieutenant Dan Twahirwa. Il a été liquidé suite aux propos acerbes qu’il avait tenus lors de son séjour dans la prison militaire de Kibungo à l’égard du haut commandement de l’APR, de la DMI et des services militaires judiciaires qui emprisonnaient les soldats d’une façon injuste.

Le lieutenant Fred Gatumbura. Il a été le chauffeur de Paul Kagame pendant plusieurs années et connaissait ainsi beaucoup de secrets. Après avoir perdu de sa crédibilité dans l’armée suite à des rumeurs selon lesquellees il avait un lien de parenté direct avec des Hutus et après que ces rumeurs avaient été renforcées par sa relation amoureuse avec une femme hutue avec laquelle il allait même se marier à Kibuye; il fut empoisonné et on a laissé croire qu’il était mort du sida.

Le sous-lieutenant Peter Sempa. Il a été le garde du corps personnel de Paul Kagame depuis le début de la guerre. Après avoir été soupçonné de côtoyer les éléments de l’opposition, on a déduit qu’il pouvait leur dévoiler certaiens informations cruciales relatives à la mort de Juvénal Habyarimana, parce qu’il avait participé au chargement des missiles. Ainsi, les autorités militaires l’ont directement affecté dans les bataillons qui se battaient au Zaïre. C’est là qu’il a été abattu lors d’une attaque simulée par les éléments de l’APR qui l’y avaient poursuivi.
Le sous-lieutenet Jean-Claude Ruraza faisait partie de l’équipe de la DMI. Il a été soupçonné de ne pas soutenir le programme d’extermination de la population alors que cela était la tâche principale de tout officier de renseignement. L’APR a préféré l’éliminer comme je l’ai déjà décrit dans la partie qui porte sur la guerre imputée aux infiltrés.

Le premier sergent Nyirumuringa a été tué par balles dans la ville de Kigali à l’endroit où il venait souvent pour prendre un verre. Comme il avait été utilisé contre son gré pour transporter les cadavres et des gens à exécuter dans la forêt de Nyungwe où ils devaient être incinérés, il a été tué pour éviter que, plus tard, il ne puisse le raconter.

Loin de moi l’intention d’énumérer toutes les victimes, car elles sont rop nombreuses. Il existe des preuves suffisantes pour que les quelques cas que j’ai relevés. Elles peuvent être mises à la disposition de quiconque intenterait un procès contre ces criminels. Je me suis gardé également d’évoquer tous ceux qui ont été tués pendant la guerre. Leur nombre est tellement élevé que je leur réserve un livre à eux seuls qui commencera par le général-major Fred Rwigyema et le major Peter Bayingana et évoquera leurs compagnons d’armes jusqu’à aujourd’hui.

Hormis les soldats de l’APR, le régime Kagame a également tué les éléments des ex-FAR qui avaient rejoint l’APR. Je citerai quelques exemples de ceux qui ont été éliminés parce qu’ils avaient manifesté leur mécontentement sur les arrestations massives et les massacres répétitifs des membres de leur groupe ethnique hutu.

Le major Lambert Rugambagye a été tué dans la prison militaire de Kibungo au début de l’année 1997. Comme il n’avait rien à se reprocher, il se permettait de dénoncer les atrocités que l’APR était en train de commettre. Même un Inkotanyi qui osait agir comme lui était tué. Mais il ignorait cela.

En date du 24 octobre 1997, à Gitarama, le capitaine Théoneste Hategekimana, commandant du groupement de la gendarmerie de Gitarama, a été assassiné. Il a été victime de son opposition ouverte aux arrestations massives et aux massacres de la population, notamment des intellectuels hutus ainsi qu’aux mises en scène des infiltrations dans la préfecture de Gitarama.
Des exemples d’ex-FAR assassinés et des gens exécutés parce qu’ils avaient eu un militaire des FAR dans leurs familles abondent. Nous ne mabquerons pas d’ajouter d’autres noms de victimes dès que nous serons en possession d’informations suffisantes sur les circonstances de leur mort.

Lieutenant Abdul Joshua Ruzibiza, Rwanda : L’histoire secrète, éditions du PANAMA, Paris, 2005, ISBN : 2-7557-0093-9, p. 420-429.

Abatabizi bicwa no kutabimenya.
Nikozitambirwa.

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