Abdul Ruzibiza sur les genocides du Rwanda
Abdul Ruzibiza sur les génocides du Rwanda.
« L’injustice qui a duré plus de trente ans a poussé les Tutsis à prendre les armes pour livrer une guerre de libération. Le long chemin vers la libération a été caractérisé par de graves erreurs que je ne peux pas taire car elles ont servi de prétexte aux extrémistes hutus pour exterminer les Tutsis. Bien plus, les mêmes erreurs ont fait massacrer un nombre considérable de Hutus innocents par les éléments de l’armée du FPR.
La révision mensongère de l’histoire du pays et la dissimulation de la vérité donnent lieu à de fausses interprétations, notamment du génocide des Tutsis et de celui des Hutus. Un escadron qui s’est constitué au sein du FPR veut que les Rwandais se scindent en deux catégories, à savoir les victimes, c’est-à-dire, les Tutsis ; les criminels, c’est-à-dire, les Hutus. Mais le parti des génocidaires hutus proclame lui aussi sa version de l’histoire.
Lorsque des extrémistes hutus reconnaissent en même temps le génocide des Hutus et celui des Tutsis, c’est pour les banaliser, renvoyer leurs auteurs dos à dos. D’autres n’admettent que le génocide des Hutus, sous prétexte que tuer des Tutsis était tuer des ennemis du pays, tandis que le FPR a seul commis un génocide en tuant des Hutus innocents.
Des Tutsis ne veulent pas accepter qu’un génocide des Hutus a également été perpétré, certains, surtout les Tutsis de l’intérieur, parce qu’ils s’angoissent des répercussions qu’une telle reconnaissance pourrait entraîner, d’autres, surtout parmi ceux qui sont rentrés de l’étranger, par extrémisme politique.
Selon moi, la position réaliste doit être de reconnaître et le génocide des Tutsis et le génocide des Hutus, de poursuivre et de condamner au même titre les auteurs de l’un et de l’autre.
C’est ici que se trouve le message central de mon livre. Décourager les criminels, que ce soit au Rwanda ou ailleurs dans le monde, là où se commettent des atrocités semblables aux atrocités qui ont déchiré le Rwanda, éviter que les conséquences du génocide continuent de peser de plus en plus sur nous, oser chercher des remèdes efficaces une fois pour toutes. Cela va de pair avec la campagne de sensibilisation qui consiste à aider mes concitoyens à ne pas persévérer dans l’erreur en confondant le crime avec l’ethnie (considérer les Hutus comme étant tous des criminels ou faire croire que les militaires du FPR étaient tous des criminels).
Je désire que les Tutsis n’oublient jamais ce qui leur est arrivé, l’injustice qu’ils ont subie ainsi que ce qui a causé leur extermination. En effet, il me semble qu’à part les générations présentes, les générations futures ne comprendront pas les causes du génocide. Au contraire, ses retombées continueront à peser sur elles sans qu’elles sachent comment les prévenir.
Je désire que les Hutus n’oublient jamais ceux des leurs qui ont été tués par les bandes criminelles du FPR, qu’ils ne confondent jamais le FPR avec les Tutsis et qu’ils ne soient pas persuadés que tous les militaires du FPR étaient des criminels. Bien plus, je désire que les Hutus aient aussi le droit d’enterrer dans l’honneur les leurs qui ont été tués à cause de leur ethnie et qu’ainsi ils puissent mener publiquement leur deuil.
Pour les deux ethnies, je désire que ce soit l’occasion de comprendre que les projets criminels des politiciens ont plongé le pays dans l’abîme et que toutes les deux ont connu des pertes énormes. Tel est le thème central de ce livre ».
Lieutenant Abdul Joshua Ruzibiza, Rwanda : L’histoire secrète, éditions du PANAMA, Paris, 2005, ISBN : 2-7557-0093-9, p.66-68.
Abatabizi bicwa no kutabimenya.
Nikozitambirwa.
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